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24 mars 2025 

 

L’écrivaine Djaïli Amadou Amal, auteure du roman « Les Impatientes », couronné par le Prix Goncourt des Lycéens 2020, met en lumière la condition des femmes et les violences qu’elles subissent, notamment à travers les mariages forcés et la polygamie. En visite pour échanger avec les lycéens de la Principauté, elle a généreusement accepté de consacrer un moment au Comité afin de partager son parcours, ses inspirations et les combats qu’elle porte à travers ses écrits.

Le Cameroun pour origine

Djaïli Amadou Amal est originaire du Nord Cameroun, une région aux traditions et cultures profondément enracinées. Le Cameroun, souvent qualifié d’«Afrique en miniature» en raison de sa diversité, est divisé en quatre grandes aires culturelles.

Née à Maroua, elle appartient à l’ethnie peule. Cependant, les sujets abordés dans ses romans vont bien au-delà de son appartenance ethnique et touchent l’ensemble des pays du Sahel. Elle y met en lumière les difficultés des femmes, qu’elles soient rurales ou urbaines, qu’elles appartiennent à une communauté religieuse ou pas, qu’elles soient instruites ou non.

Le poids des traditions et les inégalités de genre

Elle explique que dès la naissance, la fille est perçue différemment du garçon. Le langage même traduit cette inégalité : alors que la naissance d’un garçon est vue comme une bénédiction, la naissance d’une fille est souvent perçue comme un éloignement, car elle quittera un jour sa famille pour rejoindre celle de son époux.

Mme Amadou Amal décrit également comment, dès leur plus jeune âge, les filles sont confinées aux tâches domestiques, tandis que les garçons peuvent jouer ou étudier. Issue d’une « bonne » famille avec un père juriste et imam et une mère égyptienne elle a eu la chance d’avoir accès à l’éducation. Pourtant, dès le collège les filles disparaissent peu à peu des classes pour se marier, cela ne choque pas car c’est considéré comme normal.

C’est par hasard qu’elle découvre le plaisir de la lecture en visitant une amie de sa mère. Dans une école où les livres sont rares et principalement religieux, elle escalade un mur d’église pour accéder à une petite bibliothèque où elle lit en secret.

Mariage forcé et violences conjugales

À l’âge de 10-11 ans, Mme Amadou Amal reçoit ses premières propositions de mariage. À 14 ans, pour échapper au harcèlement, ses parents la poussent à choisir un prétendant. Cependant, à 16 ans, ses oncles la marient de force au Maire de sa ville, un homme qu’elle ne connaît pas. Ce mariage la plonge dans une profonde souffrance psychologique, entraînant dépression, maladies psychosomatiques et tentatives de suicide. L’écriture devient alors pour elle un moyen d’exprimer ce qu’elle ne pouvait pas verbaliser.

Après son divorce, elle se remarie avec un homme dont elle est amoureuse, mais il exerce rapidement un contrôle sur elle, lui imposant de faire des études en gestion commerciale, alors qu’elle rêvait de devenir journaliste. Les violences conjugales débutent par des insultes, puis se transforment en violences physiques. Pour se faire pardonner, son mari lui offre beaucoup de bijoux et des voyages. Mais le cycle de la violence se poursuit. L’écriture devient de nouveau son refuge et lui permet de s’émanciper, avant de réussir à fuir le foyer.

Parcours littéraire et engagement militant

Pour financer la publication de son premier roman, Mme Amadou Amal vend ses derniers bijoux en or. Ce livre, qui brise des tabous, suscite des réactions partagées dans sa communauté. Toutefois, elle bénéficie du soutien du gouverneur du Sud, qui l’encourage et la protège dans son engagement.

Après un programme de leadership aux États-Unis, elle fonde l’association Femmes du Sahel, qui lutte pour l’éducation des filles et l’autonomisation des femmes. L’association a permis la scolarisation de 500 enfants en quatre ans et mène des campagnes de sensibilisation contre les mariages précoces, l’excision, le harcèlement sexuel, et la violence faite aux femmes. Elle a également réhabilité des bibliothèques dans des villages isolés pour favoriser l’accès à la lecture.

Conclusion

Djaïli Amadou Amal est une figure inspirante d’émancipation et de résilience. Grâce à la littérature, elle a pu non seulement se libérer de son passé mais aussi aider d’autres filles à éviter le piège du mariage précoce. Son engagement repose sur une approche holistique, incluant la nécessité d’une masculinité positive et des réformes structurelles pour garantir une transformation véritable de la société. Son travail continue de résonner à travers ses livres et ses actions humanitaires, notamment en tant qu’ambassadrice de l’UNICEF et de l’ASAF Cameroun.

Bibliographie :

  • Walaande, l’art de partager un mari
  • Le harem du roi
  • Munyal, les larmes de la patience
  • Les Impatientes
  • Cœur du Sahel